mardi 17 décembre 2013

Le journal explicatif de lecture

Dans mon dernier billet, j'ai fait mention d'une activité didactique de lecture : le dévoilement progressif. Dans la même veine, le journal explicatif de lecture est une autre activité à faire vivre aux élèves dans le cadre d'une séquence d'enseignement sur la lecture. Destinée à faire expérimenter une stratégie de lecture globale, le journal de lecture confère à la compréhension de lecture ses lettres de noblesse. 

Je me suis moi-même prêtée à cette activité pour un travail à produire dans le cadre de mon cours de didactique du français. La définition que j'en fais est que c'est une activité d'expérimentation de la stratégie de lecture du discours narratif où le lecteur est appelé à rendre explicite son comportement de lecteur, ce qui lui permet de développer une meilleure compréhension du récit et de porter un regard critique sur l'oeuvre elle-même. 

Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement? Pendant qu'il lit un texte de type narratif, disons un roman ou une nouvelle littéraire, le lecteur doit noter, dans un journal de lecture ou un journal de bord,  ses réactions vis-à-vis du texte qu'il est en train de lire (réactions, sentiments ressentis, questionnements en lien avec le récit, liens avec son propre vécu, ses raisonnements, ses pertes de compréhension, les mots inconnus, etc.). Toutes les entrées notées dans le journal doivent se rattacher à un passage précis du texte. 

Des exemples de réflexions et d'entrées? Je me demande pourquoi tel personnage agit ainsi. Telle situation me fait penser à quelque chose que j'ai déjà vécu. Je trouve tel événement triste, drôle, étrange, triste parce que... Ah! Tiens, je comprends maintenant pourquoi tel personnage a agit ainsi, c'est parce que... Je suis ou je ne suis pas d'accord avec tel agissement ou telle parole de tel personnage parce que... Je ne comprends plus ce que je lis, alors je vais revenir à la page précédente et relire. Etc. 

J'ai expérimenté le journal de lecture dans le cadre de mon cours de Didactique du français I (UQTR, DID6009). J'ai été surprise d'en constater plusieurs effets formateurs. Mes questionnements durant ma lecture m'ont amenée à réfléchir au récit, approfondir ma compréhension des événements et des personnages. J'ai été plus à même de dégager les valeurs et le messages qu'a voulu transmettre l'auteur (ou du moins ceux que je crois qu'il a voulu transmettre). Et mes questions restées sans réponses au terme de ma lecture m'ont incitée à faire des recherches pour y trouver la réponse. Personnellement, j'ai donc trouvé mon expérience de lecture plus riche et plus satisfaisante que toutes celles où je ne fais que lire passivement et attendre la suite. 

Colette Buguet-Melançon, professeur au Collège Édouard-Monpetit, a fait les mêmes constatations, découlant d'une expérience de lecture du texte littéraire au moyen du journal de lecture, auprès d'étudiants de niveau collégial. 


« Outil de travail, le journal permet de guider l'élève dans le passage de la lecture affective à la lecture analytique et méthodique, voire à la lecture créatrice qui constitue le troisième niveau. En rendant compte de sa lecture sous une forme libre, l'élève développe des habiletés fondamentales dans le cours de français; souvent pêle-mêle, il : dégage des informations, des sentiments, des idées, des valeurs; réagit en questionnant, en approfondissant, en rejetant ou en confirmant ses valeurs; développe sa curiosité (appel au dialogue avec le professeur, demandes de suggestions de lecture). »

Les différentes réactions du lecteur l'amène à se positionner face au texte qu'il lit. En précisant ce qu'il ressent, en réfléchissant à pourquoi il réagit ainsi, il prend d'abord conscience de sa propre personnalité, de ses valeurs et de qui il est en tant qu'individu. Il construit aussi sa compréhension du texte qu'il lit. En comparant ses perceptions avec celles de ses collègues de classe, lors d'échanges en cercles de lecture, par exemple, il confronte ses idées, ses valeurs, ses perceptions avec celles de ses pairs, les met à l'épreuve, les infirme ou les confirme et, ainsi, aiguise son sens critique général, mais aussi sa capacité à évaluer une oeuvre littéraire. 

Cette façon de faire va bien au-delà des compréhension de textes que je me souviens avoir fait au primaire et au secondaire. (Dans mes souvenirs, ces exercices dépassaient rarement, voire jamais, le premier degré de compréhension. Au mieux, ils comportaient quelques questions d'inférence.) Ici, la compréhension de texte prend vraiment tous son sens!


Pour en savoir plus : 

Buguet-Melançon, C. (1997) Pour une lecture authentique au collégial : le journal de lecture, Correspondance, 3 (2), récupéré du site http://correspo.ccdmd.qc.ca/Corr3-2/Journal.html

Simard, C., Dufays, J.-L., Dolz, J. et Garcia-Debanc, C. (2010). La lecture, dans Didactique du français langue première, (223-260), Bruxelle, De Boeck.

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