La situation dont je vous parle s'est produite hier matin. Je suis au travail avec mes deux collègues. Il n'y a plus de patients en traitement et Dr Mon Patron rencontre une patiente privément. Nous en profitons pour jeter un oeil aux journaux qui viennent de rentrer. (Y'a pas un proverbe qui dit que quand le chat est parti les souris dansent? Ben nous, on lisait...)
Je feuillette la Tribune du 11 décembre. En page 3, un court article jouxte (bon, tout de suite les grands mots...) la publicité d'une pizzéria. Rien de plus standard dans un quotidien. C'est quand on s'intéresse à leur contenu que ça devient intéressant. Je devrais plutôt dire agaçant, et c'est un euphémisme.
L'article en question annonce que trois victimes de la tragédie du Lac-Mégantic ne pourront être identifiées. Et juste à côté, la publicité dit (je reproduis la même typographie) : « Vous BRÛLEZ d'envie de manger une VRAIE PIZZA MAISON? » Quel malheureux hasard de montage...
Nous disions, plut tôt au cours de la session, que nous recevons et interprétons les textes que nous lisons avec tout ce que nous sommes : nos connaissances antérieures et nos expériences de vie. Pour la plupart des gens, la juxtaposition dont je vous parle n'a rien de particulier. Il s'agit d'une nouvelle, terrible, certes, mais c'est là le lot des quotidiens, et d'une publicité tout ce qu'il y a de plus commune.
Mais ici, en Estrie, il y a certains mots et certaines expressions qui ont pris un tout autre sens au cours de la dernière année. C'est que notre région a été durement éprouvée par des événements tout aussi horribles et horrifiants qu'improbables : l'explosion, le 8 novembre 2012, chez Neptune Technologies, qui a fait trois morts et de nombreux blessés; l'explosion, à peine douze heures plus tard, chez BRP de Valcourt, qui a fait un mort (mon frère Sébastien) et un blessé (Pierre Roy); et cette tragédie sans nom qui a décimé la ville de Lac-Mégantic l'été dernier. Toutes des explosions où des êtres humains, des proches, des amis, des collègues, qui ont péri dans les flammes.
Depuis un an, je ne suis plus en feu quand je suis surexcitée ou remplie d'énergie. Je ne suis certainement plus brûlée à la fin d'une grosse journée. Et je ne fonds pas de désir ni ne brûle d'envie de manger une pizza, aussi divine soit-elle.
Évidemment, ce sont mes choix lexicaux et je n'impose pas à qui que ce soit de bannir ces mots de son vocabulaire. Mais un quotidien publié à grande échelle se doit certainement de le faire, par respect envers ses lecteurs, dont nombre d'entre eux hausseront le sourcil, voire seront blessés de l'usage de mots anodins qui sont devenus, pour eux, si lourds de sens.
Toutes mes condoléances pour ton frère, je ne savais pas. Ça n'a pas dû être facile *sans mot*
RépondreSupprimerAnecdote : le prochain congrès de l'AQPF a lieu à Sherbrooke et nous avions choisi des trains comme ligne directrice... Les enfants avaient fait des dessins de trains. Évidemment, nous avons changé notre visuel dès les premiers jours après Lac Mégantic. On n'aurait pas pu plus mal choisir !
Un bien malheureux hasard. Et en plus, vous devez vous retaper tout le travail de trouver votre fil conducteur. On lâche pas!
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